La journée d’un soignant de la psychiatrie à Mayenne en 1964.

jeudi 5 décembre 2024, par Marcel Fourmond



Pendant très longtemps le personnel chargé de s’occuper des malades atteints de pathologies psychiatriques ne possédait aucun diplôme. Il était embauché comme gardiens et gardiennes.
Il faut dire que jusqu’à l’apparition des neuroleptiques en 1954 il y avait peu de chose pour améliorer l’état de ces gens que l’on appelait les fous. Les sédatifs, les bains froids, la cellule, la camisole, et autres systèmes de contention étaient les seuls moyens de maîtriser certains grands agités.
Avec l’apparition des neuroleptiques la situation s’améliora à la vitesse grand V. On proposa aux gardiens de suivre des cours sanctionnés par un diplôme. Les plus doués réussirent. Les autres furent simplement appelés "autorisés".
Vers 1960,un concours d’entrée était organisé chaque année afin de recruter un certain nombre de personnes qui devaient suivre deux ans de formation et se présenter aux épreuves écrites et orales à Nantes. Aux agents reçus, était délivré un diplôme donnant droit d’exercer comme infirmiers psychiatriques.
Quand je suis entré en 1964 comme élève infirmier après avoir passé le concours, il y avait encore dans quelques services des anciens gardiens qui n’avaient que leur expérience et leur bonne volonté pour faire face aux différents problèmes posés par les malades. Ces agents qui avaient encore une dizaine d’années à effectuer pour terminer leur carrière exerçaient dans les services de malades chroniques et stabilisés. Les service d’admission et les services où des soins techniques étaient dispensés étaient pourvus en grande majorité par des infirmiers assez jeunes et diplômés.

La mixité chez les malades n’existait pas encore, il y avait le service femme du Docteur Fellion (Médecin Directeur) ; ce service était dirigé par une religieuse qui faisait fonction de surveillante cheffe. Le service des homme du Docteur Duflot était dirigé par un surveillant chef
Chez les hommes, une petite dose de mixité du personnel avait été mise en place. Quatre femmes avaient intégré le service dont une cheffe de quartier comme on les appelait à l’époque. Avec elle, une infirmière et deux aides-soignantes avaient fait " le grand saut" En 1964 avec l’arrivée de ma promotion, quelques stagiaires femmes vinrent renforcer le contingent féminin chez les hommes. Il est à noter, que l’arrivée de soignants masculins dans le service des femmes fut plus long à se concrétiser. Il fallut attendre quelques années de plus et le grand changement provoqué à la fois par la sectorisation et la construction de 7 pavillons jumelés de deux fois 25 lits pour accéder à la mixité chez les patients.
Avec la sectorisation et l’arrivée d’un psychiatre supplémentaire le Docteur Doré, l’hôpital fut divisé géographiquement en quatre secteurs. La mixité devint la règle pour tous. C’est aussi à ce moment-là que l’établissement embaucha des agents pour les tâches hôtelières, rendant ainsi les infirmiers à leur véritable vocation.
Le travail d’un infirmier psychiatrique était très variable en fonction du service dans lequel il était affecté.
Je ne parle ici que du secteur homme. Il y avait en 1964 seulement cinq services.

Paré : Faisait les admissions, il était divisé en deux parties distinctes d’une dizaine de lits ; l’une accueillait les patients atteints de troubles mentaux ; l’autre était réservée aux malades alcooliques. A Paré les soins étaient intensifs. Les alcooliques étaient astreints aux cures de dégoût. Les soins techniques étaient importants.

Pontault : Ce service d’une trentaine de lits était spécialisé dans les cures de Sakel, appelées aussi insulinothérapie [1]. les jeunes patients qui présentaient des troubles schizophréniques y étaient transférés, on y faisait également des électrochocs. Dans cette unité les soins étaient également très importants.

Cheverus :C’était le quartier des malades chroniques à peu près stabilisés. On y rencontrait aussi des grands délirants relativement calmes. Ce très gros service ne comptait pas moins de 120 lits dont une vingtaine dans un dortoir qui faisait office d’infirmerie. Il y avait dans cette infirmerie, les malades qui présentaient conjointement à leurs troubles mentaux des problèmes physiques mais également ceux qui étaient punis pour des problèmes d’agressivité ou autres.
Pour les soignants, il y avait assez peu de soins techniques, il fallait occuper les patients par diverses activités et souvent intervenir pour ramener le calme lors des fréquentes disputes. C’est dans ce service que les "anciens" travaillaient

Roullois : Ce service de défectologie [2]
regroupait les arriérés profonds, certains vieillards gâteux et des vieux déments. Le travail des soignants n’était pas des plus valorisants et ne suscitait pas beaucoup d’enthousiasme . Une odeur de déodorant destinée à masquer celles plus désagréables flottait en permanence. Le travail des agents consistait essentiellement à surveiller, alimenter et maintenir les patients dans un état de propreté maximal.

Parchappe :On ne peut pas le considérer comme un service à part entière mais plutôt comme une forme de C A T [3]. Comme beaucoup d’Hôpitaux Psychiatriques, à cette époque, Mayenne possédait une ferme.Les malades qui y étaient affectés étaient des personnes pour beaucoup issues de la campagne. Elles étaient sous la responsabilité d’un chef de culture. Un infirmier de Cheverus passait matin et soir pour la distribution des médicaments et résoudre les problèmes physiques ou mentaux qui se présentaient. Un dortoir d’une vingtaine de lits était aménagé au premier étage d’un bâtiment et une salle faisait office de réfectoire. Quand une difficulté se présentait, le patient réintégrait son service d’origine. Par contre si tout se passait bien cela pouvait déboucher sur une sortie définitive.

A partir de 1966 la vie des malades et le travail des soignants changèrent radicalement. On entrait alors dans ce que j’appelle les trente glorieuses de la Psychiatrie.




[1Coma hypoglycémique induit par l’insuline suivi d’un réveil maternant destiné à traiter principalement des schyzophrènes

[2Selon le dictionnaire Larousse : Branche de la médecine concernée par les malades considérés comme irrécupérables pour une vie normale.

[3Centre d’Aide par le Travail




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